POUR un « pro-féminisme » productif – par l’effrontée Rachel

POUR un pro-féminisme* productif

CONTRE une reconduction sournoise de la domination masculine

*Proféminisme : solidarité, sympathie voire participation des hommes aux luttes
des femmes – Lire notre n° du journal dédié

En préalable, je dirai que la notion de pro-féministe est une injonction de plus à stigmatiser la différence de genre, sous-entendant que les hommes ne peuvent réellement comprendre le sexisme verbal et physique que vivent les femmes dans la société patriarcale. C’est une mise à distance perverse qui placerait les hommes en témoins d’un mouvement, alors qu’on les désigne pleinement acteurs de la domination de genre.

Est-on pro-humaniste, pro-antispéciste ? Je ne suis pas une vache, cela m’empêcherait-il d’avoir une conscience végétarienne ? Je ne suis plus une enfant, ne puis-je plus être révoltée et me battre contre les maltraitances et la pédophilie ? Idem pour le handicap, la lutte ouvrière, le racisme, l’homophobie, etc.

Le féminisme est une conception politique qui fédère la convergence des luttes égalitaires dans tous les domaines. Les hommes qui défendent cette idéologie sont, à mes yeux, féministes.

Partage des  privilèges, ou abolition ?

Les masculinistes ont fait émerger les féministes, les féministes ont nommé le masculinisme, cette pathologie du « zizi roi ». Chaque homme en serait atteint selon une croyance patriarcale, de manière constitutive, une fatalité en quelque sorte, garante de la survie humaine qui fonctionnerait sur le principe communautaire genré : « qui se ressemble s’assemble ».

Les dominants hommes singent entre eux, dès leur plus jeune âge, des comportements qu’ils réitèrent ensuite chez les femmes et que celles-ci dans leur majorité intègrent et perpétuent :  violences verbales, physiques, intimidation, mépris, moquerie, dénigrement, agressions, meurtres, féminicides, reproduction forcée etc.

Le gent masculine étant socialement constituée en meute, l’individu qui en critique son fonctionnement et vient à la quitter s’expose aux mêmes peurs justifiées et au même isolement qu’une femme face à cette meute.

Le déni de cette réalité et le révisionnisme participent efficacement à sceller ces attitudes prédatrices comme n’étant « pas si grave que ça », car conséquentes au genre humain. L’effacement des femmes par tous les moyens, dans le langage par exemple, que l’académie française a révisé dés le 17ème siècles en excluant les mots qui étaient féminisés depuis tous temps pour faire « emporter » le masculin sur le féminin ; la représentation imagée des femmes dans les manuels scolaires ; l’obligation du port de tenues considérées comme non-tentatrices et destinées à faire disparaitre les femmes de la sphère publique, sont autant d’exemples qui ne cessent d’invisibiliser, justement, l’invisibilisation des femmes.

Replaçons les faits dans leur authenticité. Parler de privilèges masculins et du confort de ceux-ci dans ces privilèges, est une négation rampante de la violence de genre et de la barbarie dominante subie, par ricochet, par les enfants, les femmes, les transsexuel-les, les classes sociales exploitées, etc. La vérité des mots est qu’il s’agit là d’un capitalisme de genre, des plus nuisible à l’humanité. La soif de rentabilité d’une poignée de puissants justifiant toutes les aliénations des autres demeure la source principale d’une souffrance collective, acculant les individus à survivre et, tout occupés à sortir la tête de l’eau comme ils peuvent, à ne pouvoir engager une pensée critique, libre et constructive, et à remettre en cause les autres rapports de domination de genre, de prétendues « races » et de classe qui les accablent.

Pourquoi le désir d’égalité vient-il aux hommes ?

Depuis 200 000 ans de hiérarchisation et de domination masculine, les femmes sont intrinsèquement considérées comme une monnaie d’échange, un bien exploitable et renouvelable. Cette réalité est ancrée au plus profond de la constitution de la civilisation et intellectualisée, légitimée par la culture, les contes, les fresques, les légendes comme celle de l’enlèvement des Sabines, martelées durant des siècles et directement dans notre cortex cingulaire antérieur, une des zone de conditionnement du cerveau.

Contre toute logique, si l’on considère cette position dominante confortable, il ne faut plus espérer que le dominant cesse ou remette en question cette schématisation. Pourquoi le ferait-il ? La réponse peut résider dans bon nombre de thèses humanistes. La remise en cause des stéréotypes de genre qui pèsent sur les femmes entrainerait celle tout aussi emprisonnante des stéréotypes de genre qui concernent les hommes, et pourrait bien les émanciper eux-mêmes.

Il n’en est rien. Le désir d’égalité vient aux hommes parce que les femmes leur demandent !

Le féminisme (ou le pro-féminisme) sans les femmes n’existe pas. Point besoin de trouver des arguments fallacieux et faussement progressistes pour inciter la gente masculine à ne plus raisonner en dominants. La moindre justification reviendrait à exposer des théories (libération des hommes ?) par essence opposables, là où il ne devrait subsister pour seuls contenus que les notions de respect, d’égalité, de justice, d’autonomie et d’intégrité humaine.

On ne naît ni femme ni homme « on le devient », façonné-es par les lois juridiques, familiales, reproductives, culturelles et sociales. Toute la volonté d’égalité se résume dans ce qui donne sens à une vie, un parcours, à une aspiration d’individualité, et d’être reconnu-e en tant que tel-le, unique, différent-e et cependant fraternel-le, sororal-e.  La déconstruction est le maitre mot du libre arbitre, défaire et remailler.

Comment les pro-féministes peuvent-ils s’aider eux-mêmes ? L’outil de la non-mixité.

La non-mixité est une invention patriarcale qui a ostentatoirement exclue les femmes des sphères d’influence et de pouvoir dans la société. Cette exclusion est basée sur deux postulats : les femmes ne sont pas égales aux hommes, notamment intellectuellement, et de fait n’apportent rien de productif, d’inventif et de constructif. Secondement, elles sèment, de part leur sensibilité hystérique et séductrice, la pagaille dans les groupes de travail, cercle, relations amicales et autres lieux de présence testostéronée.

La parité, nécessité imposée par une vision honnête de la représentativité en politique (entre autres), ne représente aujourd’hui toujours pas 50% de la population selon le genre, mais environ 20 à 30 %. Le principal motif invoqué est qu’il n’y aurait pas de postulante en nombre suffisant pour arriver à une visibilité plus équitable.

Il suffit d’être une femme ou un homme conscientisé pour savoir que notre puissance de travail, égale ou supérieure à celui de notre collègue masculin, est cependant rémunérée 30% en dessous de son salaire. Il suffit d’être une femme pour savoir comme le chemin de la progression sociale est difficile (vie familiale, soupçons d’incompétence génétique, harcèlement, manque de réseau solidaire et agressions sexistes au travail. La France est l’un des pays les plus sinistré.

Suffit-il d’être une femme pour être féministe ? Non, pas plus que de pouvoir prétendre parler « au nom des femmes ».

La légitimité du discours féministe réside bien dans les pensées respectueuses des droits des personnes, et les actes qui accompagnent cette vision de la société. Les mouvements de libération des femmes des années soixante-dix ont élaboré des stratégies d’auto-émancipation dont un des outils de base était le travail en groupe non-mixte. Les femmes, peu habituées à prendre la parole, s’y exerçaient sans dominant masculin. C’est une des cheville ouvrière de la pensée politique féministe, sans quoi aucune lutte structurée n’aurait vu le jour (droit de vote, avortement etc). L’utilité de l’entre soi, afin d’élaborer des méthodes de luttes pérennes, ne fait aujourd’hui aucun doute.

La globalité et la mixité des engagements politiques n’est en rien remise en question par un travail non-mixte en amont, bien au contraire, car la convergence des luttes émane de l’élaboration de constats décomplexés que l’on mettra en commun avec l’ensemble du mouvement social, une fois ce travail élaboré.

Pour ce faire, le temps, l’espace doit être laissé aux opprimées de s’approprier leur destin et de prendre en charge leur activisme, sans autocensure et sans censure. C’est pour cette raison qu’un travail de base en cellules non-mixtes est indispensable à une mutualisation des forces, en gardant la vigilance prioritaire de ne pas retomber dans une reproduction mortifère des schémas dominées-dominants.

La redéfinition du pro-féminisme est à élaborer, à mettre en relation hors d’une pensée franco-française, et en action, avec activisme et visibilité, par les femmes et les hommes féministes.

Rachel Messaoui.

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