Un Dimanche au Féministival
Par Morgane Rosais
Deuxième édition qui s’est déroulée samedi 29 et dimanche 30 Septembre, le Féministival à la Bellevilloise, dans le XXème.
Au cœur du festival cette année, la valorisation des femmes dans l’art et dans la culture comme artistes, et non plus comme muses. Retour sur la journée du Dimanche, à laquelle j’ai pu participer.
Déjà onze heures et la salle de la Bellevilloise est presque pleine. Le festival des effronté-es est dédié aux femmes artistes, et toutes les formes d’arts sont au programme : théâtre, cinéma, peintures, photographies, etc.
Présentes également durant les deux jours du festival avec Les effronté-es, l’association la Fondation des Femmes et le collectif Georgette Sand qui lutte pour davantage de visibilité pour les femmes dans l’art et l’espace public. « Ni vues ni connues », le livre du collectif, combat le sexisme d’une façon humoristique, en réaffirmant la place des femmes en tant que sujettes, pour en finir avec le mythe de la muse. La Fondation des Femmes intervient quant à elle juridiquement, financièrement et matériellement aux femmes victimes de violences.
C’est la Compagnie Aziadé, les « crieuses publiques » qui ouvre la scène avec un spectacle plein d’humour, sonore et dynamique. Si certain-es étaient mal réveillé-es en ce dimanche matin, les deux femmes ont vivement remédié à les revigorer.
Entre temps, je suis allée à la rencontre de Morgane, qui présente son exposition « Becoming my own muse ». Ses œuvres sont des collages qui détournent des oeuvres de peinture ; on reconnaît celles de Khalo, de Picasso, axquelles elle rajoute une représentation d’elle-même en fauteuil roulant. À la fois sujette et objet de l’œuvre, ses créations ont une portée politique qui vise à lutter contre l’invisibilisation des femmes et du handicap dans la société, Morgane étant en fauteuil roulant.
Je rencontre également Julie Clavier, co-auteure de la bande dessinée « Liberté, égalité, fous-moi la paix ! », qui propose des réponses souvent cinglantes et drôles issues de témoignages, aux harceleurs de rue. Elle explique le but de sa BD : « On ne sait jamais quoi dire, on se sent stupide face aux harceleurs ».
Toujours dans le thème de la littérature, Joséphine tient le stand de la librairie « Le comptoir des mots » à Gambetta, à Paris. Elle propose toute une sélection d’ouvrages féministes, des enfants aux adultes pour élargir notre répertoire.

Joséphine qui tient le stand de livre
Juste en face du stand de livres, je retrouve Aurélie Charpentier, peinteresse sous le pseudo H. « H est un nom androgyne, car il y a souvent un changement de jugement en fonction du sexe de l’auteur-e », pense-t-elle. Selon elle, c’est d’ailleurs « plus dur de se battre en tant que femme dans l’art ». L’œuvre représente Patti Smith (chanteuse et musicienne de rock) par un puzzle sur du contre-plaqué. Le puzzle est un moyen pour elle de casser les dictats de l’esthétisme féminin préconçus, de rompre avec le mythe de la femme objet.

Aurélie Charpentier et son œuvre de Patti Smith
Peu avant quinze heures, la salle est pleine. J’arrive à intercepter Typhaine D juste avant son spectacle « Contes à rebours », adapté de son livre. Elle joue sa pièce depuis 5 ans, après avoir quitté le monde théâtral traditionnel très masculin, où la violence sublimée est récurrente pour les rôles féminins. Son but est de proposer des imaginaires féminins tirés des contes pour enfant, comme Blanche neige ou Cendrillon, pour faire naître de plus justes réalités. Dans son spectacle comme dans son livre, elle utilise un vocabulaire féminin universel : « Je rends une femmage, et pas un hommage », me développe-t-elle. Ses contes commencent toujours par « Elle était une fois » et se terminent par « nous vécurent enfants et firent beaucoup d’heureuses ». Sa pièce propose également une certaine réflexion autour des contes de fée traditionnels, interrogeant la représentation des femmes dans ceux-ci avec beaucoup d’humour. Pour la féministivalière Anaïs venue pour le spectacle de Typhaine D, c’est la « force du spectacle, l’énergie et sa manière d’être convaincante qui me touche beaucoup ».

Représentation de Typhaine D
À l’étage, je rencontre Rim Battal qui présente ses photographies et des oranges cousues autour du thème de la maternité. « Il y a très peu de modèles de la mère contemporaine et féministe », me confie-t-elle. Dans ces œuvres, elle tente d’envoyer des « écrans de fumée » pour comprendre la maternité. Sur ses photos, on peut l’observer danser ou allaiter d’autres personnes que son enfant : « Je souhaite re-sexualiser la mère en tant que sujette du désir, et plus comme objet du désir. Danser me permet également de rester maîtresse de mon corps ». Les oranges cousues à l’aide d’un épais fil noir représentent quant à elles les transformations du corps avant et après une grossesse. Pour plusieurs artistes qui étaient présentes, le Féministival était une occasion pour faire connaître leurs œuvres et spectacles. Pour Rim, c’est « beaucoup plus dure de s’intégrer en tant que femme dans le milieu de l’art, surtout quand celui que l’on fait est cru et violent ».

Oranges cousues de Rim
Aux alentours de cinq heures, l’énorme « Piñateub », une piñata jonchée de phallus et de testicules, est accrochée en plein de milieu de la scène. L’ensemble des festivalier-es se rassemblent autour, et PÖ, l’artiste, annonce le « maravage » de celle-ci. C’est sous les applaudissements et les rires que chacun-e des participant-es s’échangent la batte de base-ball servant à la détruire. Des milliers de paillettes et des cœurs en papier s’écoulent de la « Piñateub », opposant la violence du geste à ce qui en jaillit. J’ai la chance de discuter avec Pö, peu avant le « maravage ». Victime de violences sexuelles durant son enfance, elle m’explique que c’est une sorte de plaisir de pouvoir aborder un sujet grave et lourd de cette façon. Elle propose aux personnes qui participent de pouvoir « retourner la violence à son origine plutôt que sur soi-même ». Elle offre également la possibilité de « sortir cette honte avec l’idée que ces souvenirs lourds peuvent être exprimés de manière joyeuse et violente à la fois ». Selon elle, le Féministival est une occasion de « s’ouvrir » et de « s’inscrire dans quelque chose de collectif ».

La Piñateub
C’est après deux jours de fête, riche en découvertes et en surprises, que le Féministival s’achève avec une projection de courts métrages féminins, réalisés au sein du concours « Le vent tourne ».
Morgane Rosais